Lettre ouverte — Paroisse de Plaisir

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Lettre ouverte

à ceux qui souffrent de ne pas pouvoir communier en ce temps de confinement.

Plaisir, le jeudi saint 2020, 9 avril.

J’ai reçu ce lundi saint une demande d’un paroissien de Plaisir, qui s’exprimait ainsi :

« J'ai des propositions à faire pour Pâques. Je préfère te les soumettre. Je pense que les enfants du monde se débrouillent mieux que nous. Ils font des vidéoconférences pour le yoga et autres activités. Et beaucoup de chrétiens ont les mêmes appareils en mains pour ces mêmes vidéoconférences. Et dans le monde, nous sommes autorisés d'aller faire des courses pour manger. (…)
Et nous ! Notre nourriture, nous la voulons aussi. Car je trouve inadmissible que nous ne mangeons pas. Ecoute, ça me met sincèrement mal à l'aise de ne pas communier à Pâques. (…) Tu comprends mon problème : communier pour le chrétien est aussi vital que manger pour le monde. Il faut que tu trouves une solution.
»

Je suis touché par cette demande, par ce désir fort de pouvoir communier à Pâques. D’autant plus que je ressens la même frustration de ne pas pouvoir distribuer le pain de vie à cette communauté à laquelle j’ai été envoyée par mon évêque. J’ai été ordonné prêtre non pas pour célébrer la messe tout seul, mais bien pour l’Eglise, pour que l’Eglise devienne vraiment le corps du Christ dans l’Eucharistie. C’est comme si la sève ne circulait plus dans l’arbre. Bien sûr, je continue d’être toujours lié à la racine, et je mesure ma chance, en tant que prêtre, de pouvoir continuer à célébrer l’Eucharistie, même si je le fais seul. Je le fais en portant dans ma prière notre monde et notre Eglise, en particulier tous ceux qui me sont confiés.

La communion est liée à la participation à l’Eucharistie.
Participer à l’Eucharistie, ce n’est pas seulement communier, c’est participer par la prière, le chant, l’écoute de la Parole de Dieu et de l’homélie, c’est faire corps au sein d’une assemblée, recevoir et porter la paix du Christ autour de soi, et être ensuite envoyé en mission. Le Concile Vatican II a demandé à tous les baptisés une participation « active, consciente et fructueuse. » Aussi la communion en dehors de l’eucharistie ne peut être donnée habituellement qu’aux malades, lors d’un rite particulier, dans la mesure où ils ne peuvent se déplacer pour participer à la messe.
La communion est bien sûr un repas, c’est une nourriture, le pain de vie, mais c’est aussi bien plus que cela : c’est une rencontre, une rencontre du Christ vivant, agissant, sanctifiant aujourd’hui. Et cette rencontre du Christ, nous la vivons de bien d’autres manières : dans la prière, dans la lecture et la méditation de la parole de Dieu, dans la charité fraternelle et le service des frères. Jésus nous a dit : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18). Le croyons-nous vraiment ? La présence du Christ est réelle auprès de nous de bien des manières. Son secours ne nous manque pas, si nous le supplions, du fond de notre coeur.
La communion est aussi plus qu’une nourriture dans le sens où le but de la communion n’est pas comme les autres nourritures de transformer ce que nous recevons en notre propre substance, mais que le Christ nous transforme et nous habite. Ce n’est pas le corps du Christ qui devient une partie de notre corps mais c’est nous qui devenons membres du corps du Christ, qui est bien plus grand que nous, même s’il se fait tout petit.

Mais il me semble que nous pouvons donner du sens à ce temps long d’abstinence eucharistique.
Nous pouvons aiguiser en nous le désir de communier à nouveau (à neuf) lorsque nous le pourrons de nouveau. Sans doute, il nous est arrivé de communier de manière un peu machinale, sans vraiment penser à ce que nous faisions. Est-ce que nous vivons toujours vraiment cette communion comme une rencontre d’amour et de foi avec le Seigneur ? Quel est le sens que nous donnons à notre « Amen » lorsque nous recevons le corps du Christ ?
Nous pouvons vivre ce temps d’abstinence en solidarité spirituelle avec ceux qui sont empêché plus souvent que nous de communier, et ils sont nombreux : les communautés chrétiennes dispersées d’Amazonie ou d’ailleurs qui ne reçoivent que quelques fois par an la visite d’un prêtre. Les chrétiens malades, âgées, qui regardent habituellement la messe à la télévision. Les chrétiens divorcés-remariés ou qui vivent en concubinage et qui s’abstiennent de communier. Les chrétiens persécutés, emprisonnés, qui doivent se cacher.
Nous pouvons aussi penser à tant de chrétiens baptisés qui ne participent plus habituellement aux assemblées, qui ont perdu le goût de l’Eucharistie, pour qui cette célébration ne veut plus rien dire. Est-ce que nous avons su assez témoigner de la place qu’elle a dans notre vie ? Peut-être que nous-mêmes aussi nous avons négligé la messe par paresse ou parce que nous avions autre chose de plus intéressant à faire.

Nous pouvons aussi nous interroger sur la manière dont nous vivons des différents sacrements et du désir que nous en avons.
L’Eucharistie est certes source et sommet de la vie chrétienne, et pour autant il ne faut pas oublier les 6 autres sacrements. Nous avons reçu le baptême : le Père a fait de nous ses enfants. Nous avons chaque jour à vivre de la grâce filiale. Nous avons reçu la confirmation : les dons de l’Esprit Saint nous envoient en mission, et ils nous donnent la force de traverser les épreuves. Et si nous n’avons pas reçu ce sacrement, en avons-nous un vrai désir ? Le sacrement du mariage pour les couples est-il aussi une source aujourd’hui pour leur vie ? Le mariage n’est pas une belle fête en blanc, mais c’est d’abord une grâce pour aujourd’hui. Et nous pouvons aussi prier pour les couples non mariés qui ne vivent pas de cette grâce et n’en ont pas le désir. Souvent ce sont des considérations matérielles qui les arrête alors que l’essentiel est spirituel. Enfin, est-ce que nous avons un même désir de la communion et du pardon de Dieu ? Dans le sacrement de la réconciliation, « le Père accueille son fils qui revient vers lui, le Christ prend sur ses épaules la brebis égarée, l’Esprit Saint sanctifie de nouveau son temple ou y habite plus pleinement. » Evidemment, il est également difficile en ce moment de se confesser, mais le pape nous a invité à vivre une démarche personnelle relayée dans cette proposition de démarche pénitentielle :

(https://liturgie.catholique.fr/accueil/guerison-penitence-reconciliation-sacrements-malades/penitence-et-reconciliation/302872-covid-19-confinement-confession-sacrement-reconciliation/)

La présence du Christ nous est donc offerte de bien des manières.
Nous sommes invités à nous unir à l’Eglise universelle par les messes retransmises par KTO ou le Jour du Seigneur.
Que le Seigneur nous accompagne durant ce temps, pour vivre une liturgie du coeur par laquelle nous serons pleinement bénis par le Seigneur et par laquelle nous pourrons le bénir et porter cette bénédiction à nos frères.


Père Dominique Barnérias.
Curé de la paroisse de Plaisir
Administrateur de la paroisse de Fontenay-le-Fleury.